
Mis à jour il y a 2 ans
S’il n’a pas forcément fait la une de l’actualité ; l’arrêt des activités du Crédit Foncier en 2019 ; a constitué la disparition d’un acteur historique du financement immobilier (alors intégré à sa maison mère BPCE). La création du Crédit Foncier remontait ; en effet, à 1852, et son action avait accompagné quelques grandes étapes de l’Histoire de France depuis plus d’un siècle. Le Crédit Foncier était notamment actif sur le prêt d’accession à la propriété. Cette disparition ne constitue pas une révolution ; elle a plutôt acté un positionnement devenu trop exclusif et fortement handicapé par la baisse des taux. Rien de comparable cependant avec, par exemple, l’épisode qui avait touché en 2008 ; ses homologues aux États-Unis : Freddie Mac et Fanny Mae. Dans les faits, c’est tout de même un coup dur pour l’accession à la propriété des plus modestes ; et ses missions devront être reprises par d’autres acteurs.
Rappel sur l’histoire du Crédit Foncier immobilier
La disparition du Crédit Foncier correspond à la disparition d’un acteur historique qui avait accompagné ; le développement des infrastructures et de l’immobilier en France depuis la révolution industrielle ; et favorisé par sa mission l’accession à la propriété par le plus grand nombre.
Un acteur historique de l’immobilier
Le Crédit Foncier (à l’origine « Banque Foncière de Paris »), fondé en 1852 aura ainsi accompagné la transformation de Paris ; et les travaux du baron Haussmann. Il aura joué un rôle dans le paiement de la dette à la suite à la défaite de 1870 ; et accompagné les collectivités locales pour la construction des écoles municipales chères à Jules Ferry.
Dans l’après-guerre des Trente Glorieuses, le Crédit Foncier jouera un rôle dans la reconstruction du pays ; en étant notamment le bras armé des prêts aidés par l’État pour l’accession à la propriété ; assurant ainsi une mission de service public via ces prêts bonifiés. Le crédit Foncier immobilier jouera également un rôle lors de la création du Crédit Logement en 1975 ; principal organisme de cautionnement des prêts immobilier. Il connaîtra cependant des difficultés avec la perte de son monopole ; sur l’octroi des prêts PAP (Prêt à l’Accession à la Propriété).
Le Crédit Foncier sera également critiqué lors de la crise des « subprimes » ; pour avoir octroyé des prêts à « taux capé trompeurs ». Cela amènera un encadrement plus strict des banques dans l’octroi de prêts à taux variable. Le Crédit Foncier, depuis 2009 intégrés au groupe BPCE (Banque Populaire Caisse d’Epargne) ; souffrira également des conséquences de la crise de la dette grecque en 2010/2011.
Pourquoi le Crédit Foncier immobilier a-t-il arrêté son activité ?
Le Crédit Foncier avait été fragilisé par la dette grecque en 2011 ; et avait également perdu certains monopoles concernant la politique publique de logement. Par ailleurs, établissement spécialisé et actif sur l’accession à la propriété – notamment des plus modestes — ; il a particulièrement souffert de la baisse de taux.
Les principaux métiers du Crédit Foncier immobilier
Les activités du Crédit Foncier axées autour de l’immobilier, s’articulaient autour de 5 métiers :
- crédit aux particuliers,
- crédit aux investisseurs et professionnels de l’immobilier (promoteurs, construction de maison individuelle),
- financement d’équipements publics,
- services immobiliers,
- refinancement des crédits de la banque
La banque était particulièrement active pour l’octroi de prêt immobilier aux particuliers ; souvent avec des conditions spécifiques (prêts complexes, prêts longs). Une grande partie de l’activité concernait l’octroi de prêts réglementés :
- à taux zéro (PTZ)
- d’accession sociale (PAS)
- social location-accession (PSLA)
Et plus généralement :
- les crédits relais
- les crédits hypothécaires viagers
- l’investissement locatif
- les SCPI
L’activité dédiée aux services immobiliers (expertise, vente, estimation…) ; hors activité des particuliers est devenue une filiale de BPCE sous le nom de BPCE Solutions Immobilières.
Les difficultés d’un acteur dédié 100% à l’immobilier
Globalement, l’activité immobilière est restée soutenue en France ces dernières années. Les encours de crédit immobilier ont même atteint des montants record concernant désormais près d’un tiers de ménages. Mais les difficultés du Crédit Foncier et sa rentabilité insuffisante ; étaient la conséquence de plusieurs facteurs et notamment de son hyper-spécialisation :
- Les banques se rémunèrent grâce à la marge sur les intérêts des prêts ; (différence entre le taux accordé au client et celui auquel la banque se refinance) ; la baisse des taux a fait baisser le niveau de marge absolu
- Le mouvement a été accentué par les vagues de renégociation des emprunts et l’actions de courtiers de crédit online ; qui sont devenus des acteurs et partenaires incontournables du secteur
- Le Crédit Foncier avait une base de client populaire à laquelle il offrait des solutions spécifiques : outre les prêts bonifiés ; des prêts sans domiciliation de revenues domiciliations de revenu ; à la différence d’autres établissements ; le Crédit Foncier pouvait ainsi difficilement compenser les faibles marges sur le prêt ; via une augmentation de frais bancaires ou des commissions sur la gestion de produits d’épargne
- Certaines mesures défavorables au PTZ et aux Aides au Logement (APL) hors agglomération ; ont contribué à exclure un peu plus certains primo-accédants du marché ; dans un contexte par ailleurs de forte augmentation des prix rendant l’achat plus compliqué.
Qu’est-ce que le crédit hypothécaire ?
Un des produits du Crédit Foncier était le crédit hypothécaire. Très usité dans le monde anglo-saxon, le crédit hypothécaire est garanti sur la valeur du bien. En France l’octroi d’un prêt immobilier est la plupart du temps avant tout conditionné par le “taux d’effort” ; et lié revenu de l’emprunteur (montant de la charge de la dette / revenus). Le HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière) a d’ailleurs fait des recommandations aux banques ; afin d’encadrer le taux d’effort (maximum 35%) et la durée des prêts. Ce lien entre prêt et revenus qui respecte un équilibre ; dans la capacité d’endettement de l’emprunteur constitue un rempart contre certaines dérives
Les prêts hypothécaires sont, eux, gagés sur la valeur du bien. Ils sont parfois à taux révisable ; et par ailleurs éventuellement non affectés (les sommes peuvent-alors être utilisées pour tout usage ; et il est possible de « recharger » son prêt si la valeur du bien gagé sous-jacent augmente).
Les excès et le drame des « subprimes » aux États-Unis
La crise des « subprimes » aux États-Unis est une illustration des excès ; auxquels peuvent mener l’octroi de prêts hypothécaires massifs ; de façon non maîtrisée. Cette crise a entrainé entre autres la reprise en main par l’État fédéral de deux organismes de crédit hypothécaires ; qui étaient le bras armé historique de la politique américaine d’accession au logement : Fannie Mae et Freddie Mac.
Plusieurs éléments ont alimenté la crise des subprimes :
- L’octroi massif de crédit sur la base de la valorisation des biens immobiliers dans un marché haussier ainsi auto-entretenu ; (une personne aux revenus modestes ; pouvant ainsi bénéficier de montant prêtés importants ; et acquérir plusieurs biens dont la valeur ne cessait d’augmenter)
- Des conditions de taux variables ; avec des crédits parfois in fine sont devenus insupportables pour les emprunteurs avec la hausse des taux
- La titrisation des crédits les plus risqués (les « subprimes ») dans des portefeuilles revendus à des investisseurs ; ont permis aux établissements bancaires d’augmenter leur capacité à accorder de nouveaux financements ; au prix souvent d’un manque de transparence sur la composition des portefeuilles ; le niveau de risque et de taux de défaut
Une réaction en spirale a eu lieu avec un retournement du marché : des intérêts et des mensualités devenues plus élevées ; des défauts de crédit qui augmentent ; la mise en jeu des garanties via des saisies et une baisse de la valeur des actifs gagés avec une chute du marché en cascade.
Quelles conséquences de la disparition du Crédit Foncier immobilier ?
Ces dernières années, les primo-accédants ont été, en France ; de plus en plus exclus du marché de l’accession à la propriété. Les acteurs de la construction de logement neuf ont par ailleurs rencontré certaines difficultés (Covid-19 ; baisse des permis de construire en lien avec les élections municipales, raréfaction et renchérissement du foncier ; normes environnementales…) dans un marché immobilier dont la demande reste par ailleurs forte. Difficile d’y voir uniquement une conséquence directe de l’arrêt du Crédit Foncier (d’autant plus que sa mission n’était pas exclusive). Cependant, celui-ci avait un rôle important pour certaines catégories d’acquéreurs et d’acteurs.
Conséquences sur la filière immobilière
La clientèle des maisons individuelles était particulièrement représentée : 20% des clients de LCA-FFB ; (Constructeurs et Aménageurs de la Fédération française du Bâtiment) venaient ainsi du Crédit Foncier. De même, le Crédit Foncier finançait la souscription de SCPI ; (sociétés civiles de placement immobilier) indépendantes sans exiger de domiciliation de revenus. Une facilité pour l’investissement.
L’impact de la disparition du Crédit Foncier est cependant à relativiser ; sa mission pouvant être en partie reprise par les différentes sociétés du groupe BPCE. Par ailleurs sa mission sur l’octroi de crédit sociaux tels que le PAS (Prêt d’Accession Sociale) ; était également assurée par d’autres acteurs tels que le Crédit Agricole. Une expertise spécifique pourrait cependant avoir disparu : les prêts viagers hypothécaires, destiné à une clientèle âgée de propriétaires. Plus largement, le traitement d’une clientèle modeste en vue de l’accession à la propriété via un mix de durée longue ; d’analyse de revenus et de crédit hypothécaire, constitue un savoir-faire spécifique ; cette cible de clientèle étant par nature difficilement traitée par les réseaux traditionnels, et moins rentable.
De manière générale le crédit immobilier est souvent considéré par les banques ; comme un produit d’appel pour leur clientèle dans l’espoir de lui vendre d’autres services. La majorité des profils emprunteurs n’est pas constituée par le segment des ménages modestes. Le rôle des courtiers pourrait alors prendre son sens pour structurer les dossiers les plus problématiques ; pour le compte de banques généralistes et continuer à « adresser » cette clientèle.
Par ailleurs, à son arrêt, le Crédit Foncier avait une part de marché d’environ 25% dans l’investissement Pinel. Ce dispositif fiscal permet ; sous conditions, d’importantes déductions fiscales dans le cadre d’un investissement locatif ; via l’achat d’un logement neuf dans certaines zones géographiques.
Conséquence sur les prêts en cours
L’arrêt de l’octroi de prêt et de l’activité du Crédit Foncier au premier trimestre 2019 n’a ; malheureusement pour eux ; pas mis fin au remboursement des prêts en cours par les emprunteurs ! Le groupe BPCE a ainsi continué à assurer le recouvrement ; et le refinancement d’un encours de crédit de près de 100 milliards d’euros.
Un impact limité dans un marché du crédit immobilier qui se porte bien ?
Malgré quelques difficultés conjoncturelles rencontrées par acteurs du logement neuf, la demande reste forte et les encours et octroi de crédit immobilier n’ont globalement jamais été aussi élevés. Les pouvoirs publics n’ont de cesse de soutenir les marchés de l’immobilier neuf. Pour un équilibre optimal et territorial entre l’offre et la demande, le maintien d’un accès large (construction de maison individuelle, promotion, rénovation…) à la propriété et à l’investissement est un élément primordial, et devenir propriétaire reste d’ailleurs une aspiration d’une majorité de Français.
Publication originale le 20 mai 2021, mise à jour le 20 mai 2021
Sujet(s):
Finance & Economie