
Mis à jour il y a 3 ans
Le financement equity n’est pas l’alpha et l’oméga
Les pouvoirs publics ont généralement privilégié les mesures de soutien à l’investissement en « equity », notamment via des incitations fiscales, avec de nombreux schémas (PEA, PEE, réduction IR ou ISF, FIP) par rapport à l’investissement en dette (obligations, crédit…); Cependant, derrière cette volonté générale, on peut se poser la question de la légitimité de certaines mesures (traitements fiscaux très différenciés en fonction de la durée de détention) avec, par ailleurs, le risque d’incitation à adopter des comportements purement fiscaux pouvant éventuellement amener à une allocation non optimale des flux (notamment tous les schémas d’exonération à l’entrée et non à la sortie). Dans les années 80, par exemple, les déboires de la loi Pons qui en partant d’un bon sentiment de renforcer l’économie des DOM-TOM, avait fait l’objet de nombreuses dérives fondées sur une utilisation optimale de l’avantage fiscal sans pour autant favoriser ni la création de valeur ni d’emploi, restent dans les mémoires.
Le financement en fonds propres est primordial et il est un facteur clé de croissance long-terme pour les entreprises – l’autofinancement est la principale source de financement et l’on cite souvent les vertus de l’exemple Allemand – il n’en reste pas moins qu’il n’est pas l’alpha et l’oméga et qu’il existe des freins naturels aux financements en fonds propres : ainsi selon une enquête internationale de KPMG sur les entreprises familiales, 67% n’envisageaient pas d’ouvrir leur capital à court ou moyen terme mettant en avant certaines contraintes (reporting, gouvernance…) malgré les avantages éventuels liés à l’apport inhérent d’une expertise externe.
Par ailleurs l’émergence d’acteurs publics puissants tels que la BPI ont déjà permis d’accompagner annuellement de l’ordre de 20.000 PME et 50.000 TPE pour des montants conséquents d’environ de 15Md€/an contribuant à grandement améliorer la situation générale des PME sur ce point.
Sur le front du crédit, une situation qui n’est pas idyllique malgré
une amélioration post crise
Sur le long terme, le poids des fonds propres des PME en France sur l’ensemble des financements a eu tendance à s’améliorer (même si la situation des TPE reste fragile avec un tiers ayant des fonds propres nuls ou négatifs), sous plusieurs impulsions : une auto-modération des investissements dans un premier temps, une amélioration des marges sur ces dernières années et des meilleures conditions de coût du crédit. Dans ces conditions, il semble exister une marge pour revenir à des niveaux d’avant la crise de 2008 et à un levier plus important.
De fait la dette reste l’instrument privilégié du financement des PME.
Au-delà de ces chiffres, il apparaît que l’accès au crédit reste encore inégal et insuffisant entre ETI bien loties et PME/TPE. Les statistiques de la Banque de France montrent que de 2012 à 2016 la demande de crédit est restée faible : moins d’un quart des PME interrogées ont fait une demande de nouveau crédit.
Tout type de crédit confondu, plus de 8 PME sur 10 ont vu leurs demandes satisfaites, cependant la situation n’est pas forcément idyllique :
- Les banques ont adopté des comportements plus prudents depuis la crise et sont par ailleurs impactées par les normes de la réglementation Solvency 2
- D’autre part, le baromètre KPMG-CGPME, qui réalise une étude trimestrielle auprès des dirigeants de PME françaises employant entre 10 et 500 salariés, fournissait des chiffres relativement différents de ceux de la Banque de France :
- 51 % des dirigeants auraient actuellement au moins un besoin de financement, dont 34 % pour les besoins de financement de l’investissement, et 29 % pour les besoins de financement d’exploitation (trésorerie).
- 26 % de ces mêmes dirigeants déclaraient se restreindre dans leurs investissements et leurs demandes de financement en raison de difficultés d’accès au crédit illustrant ainsi une dimension d’autocensure.
- Interrogés sur les exigences des banques, 69 % déclarent avoir subi au moins une mesure de durcissement, parmi lesquelles on retrouve les délais d’attente (18 %), les frais élevés et les montants plus faibles que souhaités (38 %), ainsi que les demandes de garanties supplémentaires (36 %).
- Globalement l’encours des crédits bancaires aux PME/TPE a ainsi augmenté sur un an de +2,7% contre +4,4% pour l’ensemble de crédit aux entreprises et +7,9% pour les SCI…
Par ailleurs le motif de « découragement » reste le principal grief ressenti par les PME au plan Européen face à l’accès au crédit.
Lever les obstacles
Il convient de dissocier l’accès au financement « asset-backed » sur par exemple des problématiques immobilières ou d’équipements, du financement d’actifs immatériels qui ont tendance à prendre de plus en plus d’importance pour la croissance des entreprises : en premiers lieux par exemple la numérisation et la digitalisation de l’entreprise avec des besoins de recrutement qui sont des dépenses immatérielles (formations de salariés, études de conception, licence, maintenance…) les dépenses à l’export qui sont peu couvertes par les financements en crédit.
L’exemple ci-dessous concernant les TPE est assez éloquent :
Au total, il existe toujours un gap de financement en France (de même qu’en Grèce…) entre les besoins non totalement couverts par l’offre de financement.
L’AFG faisait ainsi un état des lieux dans son rapport « Livre Blanc sur le financement des PME » sur la nécessité de réorienter l’épargne vers les PME et relevait ainsi une insuffisance de l’accès aux financements pour les PME et les ETI. Elle appelait ainsi une meilleure intégration de l’offre de prêt dans la gestion d’actifs : création de fonds de prêts, facilitation de la prise en compte et de la titrisation des créances.
Le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) de mars 2017 ne disait pas autrement dans son rapport « Les PME/TPE et le financement de leur développement pour l’emploi et l’efficacité » a émis plusieurs recommandations avec plusieurs défis consistant à améliorer l’accès au crédit, soutenant le besoin de transformation numérique des PME, soutenir l’investissement des TPE/PME en recul depuis 2008 et par ailleurs assurer une cohésion des territoires :
- Favoriser la reconstitution des fonds propres en baissant la fiscalité des PME (ce qui semble aller dans le sens de la baisse du taux d’IS) et augmentant ainsi la marge pour des financements en crédit
- Réorienter l’épargne réglementée (Livret A, assurance-vie) vers les entreprises
- Limiter le recours à des garanties personnelles et favoriser la mise en place d’une garantie de caution mutuelle
- Identifier les sources alternatives de financement tels que le financement participatif ou « crowdfunding ».
- Crédit inter-entreprise : améliorer le soutien des grands groupes (respect de la loi LME) permettant une réaction vertueuse en chaîne sur l’écosystème.
- Mieux organiser l’accès à l’information et aux organismes (médiation du crédit) et mettre en place des systèmes régionaux ou étatiques de garantie ou de prêt bonifiés en renforçant le rôle de la BPI
- Au niveau de la BCE mieux cibler ses refinancements aux banques en faveur des PME/TPE en prenant cette dimension en compte dans les négociations de Bâle
Malgré une amélioration depuis la crise la situation n’est toujours pas optimale et le « crowdlending » qui n’est par nature pas soumis à des ratios prudentiels a sans doute tout sa place dans une démarche volontaire d’amélioration de l’accès des PME aux financements en proposant des offres innovantes via par exemple l’accès à des financements in fine, ou en intégrant la structuration de fonds de crédit PME dédiés en relation avec les acteurs traditionnels de la gestion d’actifs.
Publication originale le 12 octobre 2017, mise à jour le 10 janvier 2020