
Mis à jour il y a 3 ans
Le crowdlending accompagne des PME moyennant un niveau de risque acceptable : la thèse d’investissement est de s’inscrire dans une optique de risque maîtrisé, avec un gain plafonné au niveau taux d’intérêt obtenu. Ce fonctionnement est-il compatible avec le financement de l’innovation ?
Financement de l’innovation « de rupture » :
Lorsque l’on s’adresse à de l’innovation de rupture, à savoir une innovation issue d’une démarche lourde de R&D, avec un impact structurant, l’émergence éventuelle d’un nouveau marché, mais par ailleurs une incertitude sur la réussite et la faisabilité du projet (ce qui rentre d’ailleurs dans la définition du concept de « recherche ») le crowdlending n’est clairement pas adapté.
En effet le crowdlending impose dans son approche la nécessité de pouvoir se projeter de manière documentée sur les « cash-flows » futurs de l’entreprise, en s’appuyant sur un historique et une certaine continuité dans le développement. À ce titre le concept de rupture est plutôt contre indiquer, en effet le point-clé d’un investissement en crowdlending, outre la diversification sur plusieurs projets, réside dans la minimisation du taux de défaut avec un couple risque/rendement optimisé.
En effet, si le succès de l’entreprise financée apportera une satisfaction au prêteur et un renforcement de la capacité de remboursement, découvrir le nouveau « google » ou financer l’hypercroissance n’est pas a priori dans son manuel. Cela serait même une quasi-source de frustration pour un prêteur dont la rémunération est capéée au niveau du taux d’intérêt obtenu et le niveau de risque pris pour financer de l’innovation de rupture ne serait pas justifié.
Par ailleurs, le prêteur aura une optique moyen terme (2 à 5 ans) avec souvent le choix de toucher des ressources régulières (remboursement amortissable de la dette) alors que la finalisation et la commercialisation d’une innovation d’envergure, sera souvent un processus long nécessitant des investissements « à fonds perdu » avant un retour sur investissement que l’on espèrera le plus élevé possible in fine.
Pour financer l’innovation de rupture, les « business-angels, et les acteurs professionnels du « capital risque », qui auront accès au capital avec un fort risque et une espérance de gain élevé seront le vecteur à privilégier.
Par ailleurs il existe en France et en Europe de nombreux dispositifs spécifiques liés souvent à l’argent public (statut de jeune entreprise Innovante, Crédit impôt recherche, Prêt à l’innovation, contre-garantie BPI ou BEI, incitations fiscales…) qui sont destinées à couvrir spécifiquement le financement de l’innovation.
Innovation d’amélioration ou « incrémentale »
Cependant l’innovation peut recouvrir d’autres réalités pour une PME, avec une optique moins structurante mais une probabilité de succès plus importante, ce que l’on pourrait définir comme de l’innovation « d’amélioration », répondant d’ailleurs parfois à des demandes et des besoins déjà identifiés auprès des clients. Cela peut recouvrir de nombreux éléments
- Amélioration marketing : adaptation d’un nouveau produit (test, design…)
- Numérisation : mise en place d’outils de numérisation, de processus en ligne
- Obtention de norme et d’accréditations pour accéder à de nouveaux marchés ou clients (processus normes ISO, tests…)
Dans ce cas le succès de la démarche, dépendra surtout des moyens financiers mis en œuvre, du recrutement de collaborateurs et prestataires (ingénieurs, programmeurs, designers…) avec un timing de mise en place et de déploiement assez prévisibles.
Dans cette optique, le financement bancaire classique ne sera cependant pas toujours indiqué, car les banques seront parfois mal positionnées pour financer des besoins sur des investissements immatériels, (recrutements, brevets, etc.) par rapport à des problématiques d’investissement en actifs matériels (machines, fonds de commerce), sur lesquels elles seront à même de prendre des sûretés.
De plus le risque associé à la démarche ne justifiera pas forcément de faire appel à des investissements en « fonds propres » qui ont un coût élevé, et par ailleurs sont assez chronophages dans leur mise en place.
Dans la mesure où la démarche présente un aspect, une prévisibilité et un risque acceptable, le « crowdlending » est un outil parfaitement adapté. Pour plus de sécurité, les prêteurs pourront par ailleurs diversifier sur plusieurs projets via le crowdlending.
Cette démarche peut également englober les « acquisitions d’innovation » consistant à acquérir auprès via un concurrent un savoir-faire identifié (même si réaliser une acquisition en crowdlending suppose des contraintes : voir article Le Crowdlending pour l’acquisition d’entreprise ?)
L’innovation reste un élément clé de la croissance et du succès
d’une PME
En tout cas, la question du financement de l’innovation est un point-clé lorsque l’on prétend promouvoir le développement des PME. On a longtemps pointé les insuffisances du financement en France dans ce domaine.
Une étude de BPI France intitulée « Innovation Nouvelle génération » mettait ainsi en avant le constat suivant : « les entreprises qui innovent exportent plus que celles qui n’innovent pas. Elles exportent vers plus de pays. Leurs exportations croissent plus rapidement et elles sont moins sensibles à la conjoncture. » Source : Pour une nouvelle vision de l’innovation, Pascal Morand et Delphine Manceau, rapport ( 2009).

Exemple d’analyse de la nature et de l’intensité d’une innovation : Compte Nickel. Note de lecture : l’intensité de l’innovation est analysée sur une échelle de 0 ( pas innovant ) à 4 (innovation radicale). Source BPI
Elle pointait par ailleurs, ainsi que nous venons de le faire, l’aspect protéiforme de l’innovation qui peut être certes technologique mais également porter sur le recrutement de collaborateurs, la nécessité de communiquer, de faire du marketing, la numérisation et la dématérialisation des échanges, l’innovation de « commercialisation » et « d’organisation » via la mise en place de nouvelles méthodes…
À ce titre sans financer d’innovation de rupture, nous avons été souvent amenés chez WeShareBonds à financer ce type de problématiques (cf. les témoignages de nos entrepreneurs) corroborant les conclusions de la BPI.
Publication originale le 22 septembre 2017, mise à jour le 10 janvier 2020