Investir : comment anticiper l’avenir ?

Investir : comment anticiper l'avenir ?

Mis à jour il y a 4 ans

Face à la décision d’investir, à la recherche de rendement, l’investisseur se trouve face à des interrogations sur le devenir de son investissement. Plus largement à la question « peut-on prédire l’avenir ». Cette interrogation bien que paraissant légitime n’est pas satisfaisante en tant que tel, et doit s’apprécier à la lumière du profil de risque accepté, et mérite d’être soumise au cadre spécifique de l’analyse crédit.  On ne peut sans doute pas prédire l’avenir mais on peut s’efforcer de réduire et analyser le champ de possibles et donner un prix pour un risque « acceptable » avant d’investir. C’est le fondement de l’analyse crédit.

Quel futur pour mon investissement ? 

L’analyse du risque

La décision d’investissement et d’analyse d’un projet ne peut s’affranchir de l’analyse du risque accepté et plus spécifiquement du couple risque/rendement. Sauf clauses très particulières (garantie à première demande gagée sur des contreparties bloquées), tout investissement comporte un risque de perte partielle ou totale. Ainsi investir en capital en misant sur un projet de biotech avec un scénario binaire de succès ou d’échec, avec un gain de x100 en cas de réussite, sera peut-être prêt à prendre le risque d’une probabilité élevé de perdre l’intégralité de sa mise, face à l’importance du gain potentiel. Par contre un prêteur traditionnel misant sur un portefeuille lui proposant d’investir dans des projets de quelques pour-cents sera très attentif à la probabilité de défaut, car le gain espéré ne justifie pas une prise de risque élevée.

Répartir les investissements sur plusieurs projets

Par ailleurs la diversification sur plusieurs projets permettra de réduire le profil de risque. On ne peut prévoir l’avenir, mais cependant on peut affirmer de façon quasi-certaine qu’en répartissant ses investissements sur plusieurs dizaines de projets via plusieurs entreprises, secteurs, managers, on se protégera contre les scénarios extrêmes de perte totale. Une gestion plus fine analysera les corrélations entre les composantes du portefeuille, pour optimiser niveau de risque vs niveau de rendement.

 

Analyser le champ des possibles avant d’investir

La note Banque de France, un outil d’analyse crédit

On ne peut prévoir l’avenir : l’analyste du passé peut cependant apporter des outils relativement fiables et être une base pour se projeter dans des scénarios crédibles. Dans le cadre de l’analyse crédit l’intégration de méthodes de scoring permettra d’établir un premier cadre ou filtre, et de s’inscrire dans une approche rationnelle : ainsi chez WeShareBonds, nous ne nous intéressons qu’à des sociétés ayant une taille minimum et un historique pertinent de plusieurs années, et ayant par ailleurs obtenu une note Banque de France suffisamment élevée. Nous avons vu dans un autre article que la notation Banque de France, s’il elle n’offre pas de garantie, fournit un cadre statistique sur le taux de défaut lié au niveau de notation et une aide sur le pricing adapté (taux brut plus élevé pour prendre un compte un taux de défaut – et donc un risque – plus élevé et préserver la rémunération nette espérée des prêteurs).

Étudier la profitabilité du projet

L’analyse du business-plan passera par l’analyse de sensibilité de différents scénarios (poids de charges fixes, répartition et diversification de la base client, risque technologique et réglementaire, récurrence ou non des contrats etc..) et ainsi s’efforcera de réduire le champ des possibles. Dans le cadre de l’analyse crédit on s’attachera surtout à l’analyse de la probabilité de cas « downside » qu’il faut absolument éviter, à l’impact de « stress-test » (perte d’un client clé, changement réglementaire…) et peu aux cas favorables et « bonnes nouvelles » qui intéresseront avant tout des investisseurs en capital en suivant l’adage : « focus on the downside and the upside will take care of itself ».

« focus on the downside and the upside will take care of itself »

L’objectif c’est de juger avant tout de la robustesse du business, et de la capacité à rembourser. On ne peut prévoir l’avenir mais en appliquant les grilles d’analyse ci-dessus, on peut sortir du scénario pile/face et rentrer dans des approches rationnelles et documentées permettant de proposer un prix au risque.

La durée de l’investissement n’est ici pas neutre, l’approche ne sera pas la même avec une PME, pour un horizon de 18 mois ou de 10 ans (c’est pour cela que nous limitons nos maturités à 5 ans, car il nous semble hasardeux de se projeter au-delà de manière rationnelle).

 

Les chiffres et les hommes

Le futur d’un projet dépend aussi de son manager

L’analyse du business-model et des chiffres est une chose, cependant le rôle des managers – à plus forte raison pour une PME où le dirigeant joue un rôle clé et central – compte autant dans l’analyse. On ne peut prévoir l’avenir, mais cependant on peut s’efforcer de juger la capacité de gestionnaire d’un manager à gérer le futur : la cohérence du discours, la capacité à s’entourer et se remettre en cause, le vécu pouvant prouver une capacité à réagir et gérer des crises, à faire preuve d’ouverture d’esprit et de flexibilité.  En effet la capacité de l’entreprise à rembourser ses dettes dépendra autant de la réalisation de scénarios envisagés par les prêteurs que de la capacité du chef d’entreprise à adapter la gestion de son entreprise à une conjoncture nouvelle, à des événements imprévus ou de nouvelles opportunités.

On ne peut prévoir l’avenir, et les placements garantis, fortement rémunérateurs et réputés sans risques sont souvent des chimères (les schémas de Ponzi qui défraient régulièrement la chronique sont là pour nous rappeler que investir est une affaire sérieuse). Il est cependant parfaitement possible de définir rationnellement un niveau de « risque acceptable » sur des durée de temps intermédiaires, intégrant une analyse managériale et fondamentale, voire même le « track-record » des équipes conseillant l’investissement envisagé.

Se renseigner auprès de professionnels

En effet l’analyse du risque reste tout de même un métier, au-delà des équipes d’analyste, les comités de crédits sont composés de personnes expérimentées ayant pratiqué l’analyse crédit ou participé à la gestion d’entreprise. Cependant dans un contexte de crowdfunding/crowdlending, la réaction de la foule qui va amener de nouvelles questions au-delà d’un groupe d’expert peut se révéler un complément appréciable pour le prise de décision avant d’investir.

A ce sujet, une étude de 2015 publiée par l’Harvard Business School, s’est penchée sur le financement certes spécifique de projets artistiques (films, spectacles) du point de vue du public et d’un groupe d’expert. Le résultat est intéressant puisque l’étude a présenté des conclusions positives et démontré une approche réellement complémentaire (Wisdom or Madness? Comparing Crowds with Expert Evaluation in Funding the Arts)

Publication originale le 9 février 2017, mise à jour le 20 janvier 2020

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