
Mis à jour il y a 3 ans
Alors que l’année 2019 avait été particulièrement fertile en fusions-acquisitions (ou M&A pour mergers and acquisitions), avec un montant total d’opérations de 3 900 milliards de dollars, la pandémie de coronavirus a déjà remis en cause de nombreux projets. Au moment où les États Européens envisagent de durcir leurs régulations face aux opérations transfrontalières dans l’espoir de protéger leurs entreprises les plus stratégiques, le marché des fusions-acquisitions françaises est lui aussi touché…
M&A transfrontalier : la vigilance des États Européens
Le spectre des conséquences de la crise de 2008 force les États au sein de l’Union Européenne à rester très vigilants quant à la législation sur les projets de M&A transfrontaliers. Afin de protéger certaines de leurs entreprises jugées les plus critiques d’investisseurs étrangers attirés par la chute des prix, les États Européens durcissent leurs contrôles des fusions-acquisitions. Ainsi, seulement 569 projets transfrontaliers de M&A ont vu le jour en mars, pour une valeur totale de 46,6 milliards de dollars (selon les chiffres publiés par Refinitiv lundi 13 avril). C’est le niveau de transactions transfrontières le plus bas depuis la crise financière de 2008.
On peut expliquer la vulnérabilité des entreprises cotées en bourse par le fait que certains activistes, déjà présents au capital avant l’épidémie, veulent compenser les moins-values par des solutions agressives. De plus, sur les opérations de M&A déjà annoncées, les marchés financiers s’inquiètent de l’écart grandissant entre les prix d’acquisitions fixés lors de l’opération et le cours actuel de Bourse de l’entreprise. Afin d’assurer que leurs entreprises survivent sans perdre trop de valeur pendant cette période de ralentissement économique, les États et la Banque Centrale Européenne ont pris des mesures financières sans précédent. Mais même si ces mesures apparaissent pour le moment appropriées, elles ne seront inévitablement pas tenables à moyen terme en raison de leur coût.
Ce qui reste sur, c’est la prise de positions des États Européens face au M&A transfrontaliers afin d’éviter la situation post-crise de 2008, où ils n’avaient pas eu d’autres choix que d’ouvrir leurs entreprises stratégiques aux capitaux chinois.
En guise d’exemple, la Commission Européenne a dû s’opposer à la tentative d’achat par les États-Unis du fabricant allemand de vaccins ‘CureVac’. La présidente Ursula von der Leyen a ainsi insisté sur la problématique des fusions-acquisitions pour les enjeux de sécurité nationale en déclarant “Lorsque les actifs de nos industries sont mis à rude épreuve, il nous faut protéger notre sécurité et souveraineté économique. Le droit de l’Union et les législations des États membres prévoient les outils dont nous avons besoin pour faire face à cette situation, et j’invite instamment les États membres à en faire pleinement usage ”.
M&A françaises : tous les secteurs impactés
Avec les mesures de confinement prolongées jusqu’en mai et l’incertitude des répercussions économiques de la crise, un fort ralentissements des opérations françaises de M&A est déjà en cours. Quelques opérations ont cependant été menées à terme durant les dernières semaines, mais il s’agissait pour tous de projets très avancés, et pour lesquels les banques s’étaient déjà engagées à apporter des financements.
Pour beaucoup d’entreprises françaises, l’objectif premier reste de supporter des coûts fixes avec une diminution de leurs activités et sources de revenues pendant la durée de la crise. Leurs opérations de fusions-acquisitions sont donc logiquement passées au second plan, au bénéfice des opérations de levée de fonds. De plus, les banques sont pour le moment réticentes à s’engager financièrement dans des projets de M&A.
Sur les fusions et acquisitions des startups de ‘French Tech’, les observateurs s’attendent à une pause des opérations d’environ deux ans, à l’exception de petites opérations, ou de rachats d’entreprises placées en redressement judiciaire.
Parmi les industries les plus impactées par la crise figure aussi le transport aérien. Avec un trafic quasi à l’arrêt (98 % des destinations commerciales limitées), l’enjeu pour les compagnies aériennes est celui de leur survie. Il est donc probable que de nombreuses petites compagnies fassent prochainement faillite, faute de liquidité ou de soutien public. Ce sera donc l’occasion pour les plus grandes de se restructurer au travers de fusions-acquisitions une fois la crise passée.
Quant au secteur de l’automobile français, les regards sont tournés vers le mariage annoncé entre PSA et Fiat Chrysler (FCA), censé être finalisé au plus tard début 2021. Alors que plusieurs des sites de productions des deux entreprises sont à l’arrêt, la pandémie remet en cause les termes financiers de leur union, notamment la question du paiement des dividendes. Le patron de PSA Carlos Tavares a cependant assuré que « les groupes de travail maintiennent et même accélèrent le rythme sur le projet pendant cette crise, pour réaliser le closing ».
Quel avenir pour le M&A en 2020 ?
Il est évident que la crise impacte aussi bien les projets de M&A en cours que les dossiers à venir. Les conséquences varieront forcément selon la nature des opérations (transfrontalières ou non) ainsi que selon leurs stades d’évolution actuelle (lettre d’intention, due diligence, signing). Pour les projets en cours, l’allongement des délais est une tendance inévitable.Quant à l’évolution à moyen et long terme du marché des fusions-acquisitions, il dépendra de la durée de la crise sanitaire et des prochaines mesures économiques des États.
Si les mesures de confinement sont levées en Europe d’ici juin, on pourra alors espérer une reprise progressive et régulée des opérations de M&A à partir de l’automne 2020. Il est aussi probable que les secteurs les plus touchés par la crise connaissent un grand mouvement de restructurations liés au faillites, et de fusions-acquisitions.
Ce qui reste certain, c’est que les critères de valorisation usuels des fusion-acquisition (multiples d’EBITDA, de CA, DCF, etc.) seront revus. La manière dont les acquéreurs accepteront de prendre en compte les conséquences de la crise pour des projets futurs sera donc déterminante.
Publication originale le 15 avril 2020, mise à jour le 15 avril 2020