PME Coronavirus : les assureurs vont-ils payer ?

Mis à jour il y a 3 ans

Du fait de la crise du coronavirus, les estimations font état d’une chute d’activité moyenne de 35% de l’activité économique pour les pays concernés par le confinement d’un mois sur l’autre. De nombreuses PME se trouvent face à une situation difficile et à des pertes d’exploitation. Les gouvernements ont partout mis en place des plans massif de soutien à l’économie. Dans ce contexte il semble que l’action des assureurs atteigne ses limites, le cas de pandémie n’étant a priori pas couvert par les contrats. Le cas de catastrophes telles que le Covid-19 sont des cas très spécifiques. Une prise en charge plus complète dans le futur pour les entreprises, impliquera une collaboration entre États et assureurs, éventuellement via la création du concept «d’état de catastrophe sanitaire ».

Le principe de l’assurance en pratique ?

L’assurance s’est développée à partir du XVIIème siècle et notamment dans le monde anglo-saxon avec des pionniers tels que la Lloyds. Son principe repose sur le versement d’une cotisation (ou « prime ») donnant droit à une indemnisation en cas de sinistre. Son fonctionnement implique une notion d’équilibre et ne peut pas englober toutes les situations. Il repose sur quelques principes.

Mutualisation

Le cas le plus basique d’assurance est l’auto-assurance : on choisit de prendre directement à sa charge le sinistre dont on connait la portée limitée. C’est quelque part une absence d’assurance : par exemple on considère qu’en cas d’obligation d’annuler un voyage on en supportera le coût (et que cela « ne vaut pas le coût » de prendre une assurance).
Dés lors que l’on choisit d’entrer dans le système d’assurance, celui-ci repose sur une mutualisation des risques entre tous les assurés. Les primes et les sinistres sont mis en commun. Certains cotiserons finalement « pour rien » d’autres, touchés, bénéficierons alors d’une indemnisation potentiellement supérieure à ce qu’ils auraient pu assumer seul. Généralement pour viabiliser le système, l’assuré qui a une forte sinistralité verra sa prime augmenter par la suite.

Exclusions de garantie

Pour moduler le système, il existe des exclusions, permettant en particulier de limiter le coût de la prime. De même le mécanisme de franchise suppose l’on n’est pas remboursé au premier euro en deçà d’un certain seuil. Pour réduire sa prime, on s’auto-assure ainsi pour les « dégâts » mineurs et on est couvert pour les montants important.

Réassurance

La réassurance est un mécanisme qui permet aux assureurs de céder une partie de leurs risques à d’autres assureurs. Ils mutualisent ainsi ces risques, et les réassureurs sont « les assureurs des assureurs ».

Équilibre et probabilité

Tout le système repose cependant sur un équilibre entre prime et sinistralité. Si celui-ci n’est pas maintenu : soit les assureurs font faillite, soient les assurés se retrouvent à payer des primes trop onéreuses. C’est pour cela que certains événements : guerre, tremblement de terre sont exclus des contrats. Il peut être ainsi difficile d’assumer certains risques trop importants, par exemple le lancement d’un satellite : en cas de krach – dont la probabilité n’est pas nulle – la somme à rembourser impliquerait que la prime s’élève par exemple à 50% du prix du satellite. Dans ce cas le système trouve ses limites.

Comment le Covid-19 est-il pris en compte par les assureurs ?

Le Covid-19 est un risque de catastrophe pandémique qui n’est a priori pas encore pris en compte par les assureurs, notamment pour les pertes d’exploitation. La notion de risque sanitaire n’est cependant pas totalement exclue du système d’assurance.

Le Covid-19 : risque systémique trop élevé

De même que les accidents nucléaires ou les guerres sont généralement exclues des contrats d’assurance, la pandémie de Covid-19 pourrait difficilement être assumée par des assureurs privés. Rien que pour la France, les pertes d’exploitations liées au confinement sont estimées à plusieurs dizaines de milliards d’euros, ce qui mettrait les assureurs en faillite. Les compagnies aériennes clouées au sol sont face aux mêmes enjeux : selon l’IATA (Association Internationale du Transport Aérien) le montant des billets non utilisé s’élèverait à 35 milliards de dollars (auquel il faut ajouter l’arrêt consécutif de ventes). Les compagnies sont donc dans l’incapacité de rembourser ces sommes et ont plutôt proposé des avoirs sur des vols futurs.

Dans ce contexte l’Etat est heureusement présent : les Etats-Unis ont ainsi annoncé un plan d’aide de 54 milliards de dollars en faveur du secteur aérien pour permettre aux compagnies de survivre. Dans le monde entier, les mesures d’allégement, de report de charges ou de garantie sur des prêts aux entreprises sont destiné à atténuer l’impact et à en lisser les effets.

Certains effets indirects du Covid-19 sont couverts

Les assureurs restent cependant exposés aux effets de la crise par divers canaux :

  • L’assurance décès et maladie : celle-ci fonctionne pour les personnes touchées
  • L’assurance annulation : selon les polices d’assurance cette assurance spécifique peut couvrir l’impossibilité pour certains événements d’avoir lieu. Les primes sont élevées car il s’agit d’un risque « tout ou rien ». Là encore le diable est sans doute dans les détails concernant les clauses. Le secteur est actuellement mis à rude épreuve avec par exemple le report des Jeux Olympiques de Tokyo et l’annulation de nombreux événements
  • L’assurance-crédit : elle permet aux entreprises de faire face notamment au non-paiement d’une créance. Les gouvernements Allemand (30 milliards d’euros) et Français (10 milliards d’euros) ont mis en place des fonds de soutien aux assureurs crédit afin de faire face à une hausse prévisible des défauts.

Par ailleurs du fait des mesures de confinement la typologie des risques évolue fortement : baisse des accidents de la route et des cambriolages au domicile, hausse des accidents domestiques…

Le risque pandémique pris en compte dans une certaine mesure par les assureurs

Les assureurs sont amenés à prendre en compte le risque pandémique.

  • Ratios prudentiels : le « Own Risk and Solvency Assessment » oblige les assureurs à prendre en compte les effets de la survenance des crises, en ce compris les risques pandémiques, et d’en calculer les effets possibles via des scénarios sur l’assurance maladie
  • Les « Pandemic bonds : il s’agit d’une « titrisation » du risque pandémique. Certains pays, notamment du tiers-monde, pouvant être confrontés à des risque sanitaires élevés et devant pouvoir disposer d’argent très rapidement en cas de crise ont mis en place des «pandemic bonds ». Une « obligation » est souscrite par des investisseurs avec un taux d’intérêt élevé (généralement garanti par les pays riches). En cas de déclaration d’une pandémie par l’OMS, les obligations ne sont pas remboursées aux prêteurs mais la somme sera versée en faveur des pays touchés.

Quelles solutions pour couvrir le risque pandémique ?

Il n’existe pas actuellement de notion de « catastrophe sanitaire » permettant de couvrir ce risque. Certaines initiatives sont certes prises en faveur des plus sinistrés. À l’avenir la création d’un statut sur le modèle de l’état de « catastrophe naturelle » est à l’étude.

Covid-19 : mise en place d’un fonds de solidarité pour les TPE

Pour aider les PME fortement impactées – mais par nature non assurées dans ce cas – l’État, en sus des diverses mesures telles que le chômage partiel a mis en place un fonds de Solidarité en faveur des petites entreprises. Ce fonds devrait être abondé à hauteur de 200 millions d’euros pas les assureurs.

Vers la création d’un risque de « catastrophe sanitaire »

L’assureur AXA, la Fédération Française de l’Assurance (FFA) et Bruno Le Maire ont annoncé une réflexion afin d’arriver à la création du cas « catastrophe sanitaire », sur le modèle des catastrophes naturelles, qui permettrait de couvrir les pertes d’exploitation.

L’état de catastrophe naturelle a été créé en France en 1982 : « … Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles les dommages matériels directs « non assurables » ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises… ». Déclaré par le Ministère de l’Intérieur, cet état permet l’indemnisation des victimes de certains événements exceptionnels (inondations, tremblements de terre, etc.). Environ 1,5 milliards d’euros sont collectés annuellement par les assureurs pour abonder un fonds dédié.

Une nécessaire coopération entre États et assureurs privés

Le schéma proposé pour la création d’un risque de « catastrophe sanitaire » serait mis en place plutôt au plan des Etats européens. Il pourrait prendre la forme d’un fonds détenu à 50% par l’Etat et 50% par des assureurs privés, abondé par ces derniers par des primes mises en réserves. Lors d’une crise les assureurs couvriraient une première tranche de sinistres et l’Etat prendrait en charge le reste. Cela passera également par une amélioration des politiques de préventions. La Chine a déjà annoncé un partenariat public-privé passant par la prise en charges par l’état de la prime d’assurance à hauteur de 70%.

Publication originale le 8 avril 2020, mise à jour le 8 avril 2020

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