Quels obstacles anticiper pour l’emprunt immobilier des particuliers en 2022 ?

Comment anticiper les différents obstacles à son emprunt immobilier

Mis à jour il y a 1 an

Les dernières années ont été particulièrement favorables aux emprunteurs immobiliers, que ce soit pour l’acquisition d’une résidence principale, une résidence secondaire ou pour un investissement locatif. On a en effet assisté à une baisse historique du niveau des taux d’intérêts malgré une augmentation importante de la durée moyenne des emprunts immobiliers. Cela a permis de maintenir la capacité d’emprunt et de soutenir le pouvoir d’achat immobilier des acquéreurs malgré la hausse des prix constatée.

Cependant, l’année 2022 marque sans doute un tournant : retour d’un contexte inflationniste, hausse des taux d’intérêts, règles de crédit plus restrictives… Par ailleurs, nonobstant les effets liés à la hausse des coûts de construction et de l’énergie — qui exercent une pression sur le marché immobilier — les valorisations ont atteint des niveaux historiquement élevés. Néanmoins, réussir à emprunter pour acheter peut encore se révéler à terme un pari gagnant avec des taux d’intérêt réels (soit corrigés du niveau d’inflation) qui restent plus que jamais négatifs.

Comment fonctionne un emprunt immobilier ?

L’emprunt immobilier est accordé par la banque à l’acquéreur (mono-emprunteur particulier, couple, SCI…) pour l’acquisition d’un bien immobilier désigné. Lors du processus d’acquisition, l’offre d’achat initiale (« compromis de vente ») peut faire l’objet d’une condition suspensive de financement. L’acquéreur dispose alors d’un délai pour finaliser son financement dans les conditions explicitement décrites (taux, durée, montant minimum du prêt).

Il dispose ainsi d’un laps de temps pour confirmer son intention de finaliser ou renoncer à la transaction du fait d’un financement insuffisant. Il devra cependant prouver qu’il a effectué des démarches actives auprès d’établissements bancaires s’il veut pouvoir récupérer le dépôt de garantie séquestré au moment de la signature du compromis (de 5% à 10% du montant du prix).

Les banques considèrent souvent l’emprunt immobilier comme un produit d’appel. En effet, la durée moyenne de la relation commerciale issue d’un prêt immobilier est de 8 ans. Le prêt immobilier constitue un canal privilégié et un point d’entrée pour commercialiser par la suite d’autres types d’offres (crédit consommation, produits de placements, assurances, etc.). D’où la demande fréquemment faite aux futurs emprunteurs de domicilier leurs revenus dans la banque prêteuse. L’octroi du crédit immobilier dépend de plusieurs facteurs, en premier lieu propres au dossier financé en lui-même :

  • L’analyse des revenus de l’emprunteur (avec pour corollaire « le taux d’effort », « le reste à vivre »)
  • Le profil du candidat : âge, situation professionnelle (ancienneté, CDI, CDD…), situation personnelle, niveau de patrimoine et de revenus
  • Les garanties apportées : garantie crédit logement, hypothèque sur le bien, autres nantissements
  • Les assurances emprunteurs souscrites
  • Le type de bien financé et sa localisation
  • Le niveau d’apport personnel

Par ailleurs, la banque sera influencée et contrainte par d’autres éléments qui vont peser sur la décision d’octroi ou non du crédit et sur les conditions de montant et de « pricing » :

  • La politique générale et commerciale de la banque (situation à date vs. encours annuel de crédits budgétés, niveau de délégation local, focalisation sur certains profils : jeunes actifs ou cadres, primo-accédants par exemple…)
  • Les éléments réglementaires (ratios prudentiels qui limitent le volume d’encours de prêt par rapport au niveau des fonds propres des banques).
  • Les recommandations et obligations sur les conditions d’octroi telles que celle du HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière)
  • Les propres conditions de financement des banques (niveau des OAT 10 ans, politique de la BCE, niveau de marge souhaité)
  • La présence éventuelle d’un courtier faisant jouer la concurrence entre établissements

Généralement, le taux d’intérêt sera fixe et le remboursement se fera sur la durée via un amortissement par annuités constantes, typiquement mensuelles. C’est-à-dire que le tableau d’amortissement présentera un montant dû égal pour chaque période, comprenant le remboursement du capital et le paiement des intérêts.

Une simulation de prêt immobilier (annuités constantes, capital constant) permet de s’apercevoir que les annuités constantes permettent de « lisser » les montants par rapport à un amortissement linéaire du capital (qui impliquerait des annuités significativement plus élevées au départ et plus faible à la fin).

Cependant, en annuités constantes, la part d’intérêts payée est très forte au départ du prêt et décroit lorsque l’on s’approche de l’échéance finale du prêt. Ainsi environ 40% des intérêts dus sur 25 ans seront acquittés dans les 6 premières années (l’avantage est néanmoins de pouvoir maximiser le montant emprunté).

Les crédits in fine (paiement des intérêts, puis remboursement du capital en une fois) sont plus rares et souvent liés à des schémas spécifiques (investissements locatifs patrimoniaux avec optimisation éventuelle de la fiscalité foncière par exemple).

Âge, apport, taux, assurance : quel montant d’emprunt immobilier ? Les nouvelles contraintes liées au HCSF et leur impact sur la capacité d’emprunt auprès des banques

Le montant d’un emprunt immobilier (si l’on s’en tient au cas classique de l’achat d’une résidence principale) va être encadré par plusieurs éléments :

  • Le taux d’effort : c’est-à-dire le montant des annuités dues (comprenant des éléments du TAEG tel que l’assurance) rapporté au revenu net
  • Le reste à vivre : cette notion permet d’aller au-delà de la notion de taux d’effort. Ainsi pour un même taux d’effort de 35% il est plus facile de gérer une annuité de 5250 euros rapporté à un revenu mensuel de 15 000 euros (reste à vivre 9750 euros) qu’une annuité de 525 euros pour un revenu de 1500 euros (reste à vivre 975 euros).
  • Les garanties obtenues : hypothèque par exemple qui fourni un actif en garantie et limite le risque de perte pour la banque en cas de défaut
  • Le montant d’apport personnel : qui montre une implication financière dans le projet, qui documente une capacité d’épargne et joue le rôle d’amortisseur à la baisse (en cas de défaut et de vente forcée de l’actif financé, l’apport personnel sera récupéré par le propriétaire uniquement après apurement de la dette bancaire).

Désormais, les banques sont par ailleurs contraintes par les recommandations du HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière) qui sont devenus contraignantes :

  • Une limitation du taux d’effort à 35% maximum
  • Une durée maximum de 25 ans (27 ans dans le neuf)
  • Une dérogation à cette règle à hauteur de 20% de l’encours pour favoriser certains profils (primo-accédants…)

Dans les faits, les banques appliquaient déjà ce type de ratio, mais la nouvelle règle en vigueur réduit leur marge de manœuvre. Il faut dire que face à la hausse des prix de l’immobilier, les encours de crédit accordés ont atteint des niveaux records. Il en est de même pour la durée des prêts : elle était en moyenne de 13,6 ans (163 mois) en 2001 et désormais de 19,9 ans (239 mois) en février 2022. Dans les faits 2/3 des prêts immobiliers accordés pour l’acquisition d’une résidence principale ont une durée comprise entre 20 et 25 ans, un record.

Par ailleurs, après plusieurs années de tendance à la hausse, il faudrait dorénavant un apport moyen de 52 594 euros, contre 29 045 euros en 2021 (+ 78%), représentant 20% d’apport en plus en moyenne. Les dossiers sans apport sont devenus beaucoup plus rares. Certaines offres de financement qui incluaient parfois jusqu’aux frais de notaires semblent à présent de l’histoire ancienne.

Signe d’un certain resserrement : alors que le premier trimestre 2022 s’était très bien comporté après des encours record de 273 milliards d’euros accordés en 2021, la chute de production de crédit en valeur a été de 14,1% en mars 2022 (et de 17,6% en nombre de prêts), en partie du fait de la crise en Ukraine

Quel taux d’emprunt immobilier ? Comment calculer un taux d’intérêt ?

Le taux d’intérêt est une combinaison du taux de financement propre aux banques, de leur marge commerciale, du profil du client (niveau de risque) et de la durée du prêt (les taux augmentant structurellement avec la durée).
Le taux d’emprunt immobilier a considérablement baissé ses dernières années pour s’établir en moyenne à :

  • 1,12% sur 15 ans
  • 1,25% sur 20 ans
  • 1,37% sur 25 ans

Pour être plus exhaustif, il faudrait prendre en compte le TAEG : celui-ci inclut le coût total avec l’ensemble des frais annexes de l’emprunt.

Même si ces taux restent objectivement historiquement bas, ils s’inscrivent cependant dans une tendance à la hausse depuis les plus bas historiques atteint fin 2021. Selon Empruntis, une telle hausse concernerait 9 cas sur 10 (et entre 15 et 30 “points de base”, soit centièmes de pourcentage).

Plusieurs éléments sont à prendre en compte : la remontée des OAT 10 ans (Obligations Assimilables du Trésor) qui sont passées pour la première fois depuis 2017 largement au-dessus de 1% ; le contexte inflationniste ; et sans doute une plus grande aversion au risque. Signe de prudence, la durée de validité d’acceptation des offres de prêts accordés passe parfois de 30 jours à 5 jours.

Il semble cependant que les prêts à 25 ans, qui constituent 50% des encours accordés, voient leur taux augmenter plus lentement que pour les durées plus courtes. Sans doute dans un souci des banques de soutenir tant bien que mal le marché et le pouvoir d’achat des emprunteurs. À noter qu’il existe certains prêts qui obéissent à un cadre réglementaire spécifique :

  • Le PTZ (Prêt à Taux Zéro) : il s’agit d’un prêt bonifié accordé sous conditions de ressources (revenu fiscal de référence)
  • Le prêt lié à un PEL (Plan d’Épargne Logement) : autrefois très populaires, les PEL permettaient d’accéder à des offres de prêt bonifiées. Cependant, avec la baisse généralisée des taux, ce produit a perdu de son attrait (en effet le taux réglementé proposé étant désormais supérieur à la plupart des offres de marché).
  • Le taux d’usure : il s’agit du taux maximum auquel les banques ont légalement le droit de prêter à un particulier (actuellement 2,43% sur 20 ans assurance comprise). Avec la remontée des taux, la nécessité de respecter ce taux pourrait exclure des emprunteurs du marché (car la formule de fixation du taux d’usure est obsolète).

À noter néanmoins ce point favorable aux emprunteurs : au-delà du simple taux d’intérêt nominal si l’on se réfère au taux réel (taux d’intérêt moins le taux d’inflation) ce dernier apparait comme historiquement négatif et donc favorable aux emprunteurs.

Dans un contexte inflationniste qui renchérit le coût de la vie (et potentiellement des loyers), la charge réelle de l’emprunt deviendra rapidement de plus en plus supportable — sous réserve cependant que les revenus suivent la même évolution à la hausse !

Calcul de mensualités : comment calculer la somme que l’on peut emprunter ?

La somme théorique que l’on peut emprunter (la capacité d’emprunt) peut-être approximée en appliquant le taux d’effort de 35% à son revenu net (par exemple 350 € par tranche de 1000 euros de revenus mensuels). Ce point de départ établi pour le tableau de financement, en faisant varier la durée (dans la limite a priori de 25 ans à 27 ans selon le type de biens) on pourra déterminer le montant maximum.

Dans les faits, les banques s’intéressent aussi à la situation générale de l’emprunteur, à ses charges et à son reste à vivre. La hausse récente des coûts de l’énergie, la hausse du prix des matières premières et la nécessité de devoir réaliser des travaux de plus en plus couteux peut remettre en cause les modalités d’octroi du prêt.

Ainsi, si la Covid-19 et l’essor du télétravail ont poussé un nombre croissant de personnes à quitter les grandes agglomérations, la hausse des coûts de l’énergie et du carburant pose de nouvelles contraintes. Un couple en milieu rural éloigné de 50 km de son lieu de travail risque d’être confronté à des charges de transport désormais importantes. Un simple calcul sur la base de 200 km quotidiens (hypothèse de consommation de 7l/100km pour un véhicule diesel avec un prix de 2€ le litre) amène à une dépense quotidienne en carburant de 28€/jour ouvré. Soit un budget contraint de carburant de minimum 600 euros mensuels…

Simulation de prêt 2022 : quel salaire pour emprunter un crédit de 200 000 euros sur 25 ans ?

Selon la règle du « taux d’effort » il est assez facile de faire une simulation de prêt immobilier et d’estimer le salaire net nécessaire pour emprunter 200 000 euros sur 25 ans au taux moyen de 1,37%.

Si l’on raisonne par tranche de 100k€, la simulation d’un prêt immobilier sur 25 ans au taux d’intérêt moyen revient (hors assurance) à une annuité constante mensuelle de 394 €. En appliquant un ratio de 35% à cette annuité, il faut au moins 1125 euros de revenu net.

Dans la pratique, il faudra également intégrer les coûts de l’assurance emprunteur et valider le « reste à vivre ».

Pour un emprunt de 200 000 euros sur 25 ans, il faut donc un salaire net minimum de 2250 euros mensuels. Le coût total en terme d’intérêts (hors assurance et frais annexe) sera d’environ 18 000 euros (avec 40% concentrés sur les 6 premières années) par tranche de 100K€ empruntés.

2022 : le financement d’un achat immobilier, une situation toujours favorable aux emprunteurs ?

Les emprunteurs sont confrontés à plusieurs défis principaux qui limitent leur capacité d’emprunt et compliquent leur plan de financement :

  • hausse des contraintes pour l’octroi de crédit immobilier
  • guerre en Ukraine et prudence des acteurs
  • orientation à la hausse des taux
  • hausse de l’apport personnel nécessaire
  • réforme de l’assurance emprunteur (loi Lemoyne) qui instaure plus de concurrence, mais limite aussi l’obligation de test médicaux, pouvant in fine entrainer une hausse du coût de l’assurance (et du TAEG…)

Cependant, les banques semblent avoir pour l’instant fait preuve d’une relative modération dans le mouvement de hausse de taux au vu des fondamentaux macroéconomiques, afin de maintenir le pouvoir d’achat des particuliers.

Dans les faits, les taux d’intérêts réels restent historiquement bas et un contexte inflationniste est a priori favorable aux emprunteurs. Le coût total de l’emprunt n’est pas un élément rédhibitoire (il est amorti sur la durée du crédit et parfois déductible du revenu fiscal) surtout tant que le niveau des taux reste réduit. Mais il contribue à limiter la capacité d’emprunt et in fine la valorisation des actifs.

Le secteur de l’immobilier est confronté à des enjeux structurels importants : rareté du foncier, lutte contre le réchauffement climatique et les émissions carbones (norme RE2020 notamment), hausse des coûts énergétiques des matières premières.

Une hausse des taux a, en théorie, un impact négatif sur la valeur de l’immobilier et limite le pouvoir d’achat immobilier (d’autant plus que les durées de crédit immobilier ont déjà atteint des seuils élevés). A fortiori après les records enregistrés, la trajectoire des prix est incertaine (à Paris il semble que les prix de vente auraient commencé à refluer après un pic à 11 000 euros/m2).

Inversement, dans un contexte où les loyers pourraient être réévalués de manière plus agressive avec l’inflation — loyers qui constituent une dépense contrainte incompressible pour les ménages — acheter ou investir dans un projet immobilier en se finançant à taux fixe peut se révéler un pari gagnant. Ceci pour peu que l’on dispose d’un horizon de temps suffisant (attention aux droits de mutation, frais de notaires, intérêts de début de périodes et frais divers y compris pénalités de remboursement anticipé qui peuvent peser lourd en cas de revente à court terme).

Dans un contexte inflationniste (notion qui semblait avoir disparu) garder des liquidités peut entraîner une érosion de la valeur du patrimoine. Si les perspectives de plus-value ne sont pas forcément toujours évidente sur les actifs immobiliers, les loyers et les rendements locatifs pourraient être poussés à la hausse.

Enfin, concernant l’investissement locatif, il existe toujours différents dispositifs qui ont été reconduits, parfois avec des ajustements, tels que le Pinel+ ou le dispositif Malraux qui permettent d’investir dans des logements locatifs neufs (avec des frais de notaire réduits) ou à rénover en bénéficiant, sous conditions, d’un dispositif fiscal incitatif.

À noter enfin que si la fiscalité des plus-values immobilières a été considérablement alourdie depuis 10 ans, la résidence principale reste exonérée d’impôts sur les plus-values et bénéficie d’un abattement dans le cadre de l’assiette de l’IFI (Impôt sur la fortune immobilière concernant les patrimoines immobiliers nets supérieurs à 1,3M€ au 1er janvier de l’année d’imposition).

Publication originale le 2 juin 2022, mise à jour le 2 juin 2022

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