Placement & Epargne : Faut-il sauver le soldat PEA ?

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Mis à jour il y a 3 ans

Le PEA (et plus récemment le « PEA-PME ») n’a semble-t-il jamais rencontré son public. Flou dans ses objectifs et d’un maniement complexe, il ne remplit pas vraiment les buts affichés. A l’heure où le financement des retraites pose question, il ne soutient pas la comparaison avec les véhicules mis en place Outre-manche tels que les « Self Invested Personal Plans »). Avec la réforme fiscale, le PEA a même perdu de son attrait et semble difficilement se mettre à l’ère du digital, mouvement qui semblerait pourtant nécessaire.

Les origines et les limites

Pour rappel le PEA avait été créé en 1992, principalement afin de promouvoir l’investissement des Français en Bourse. A l’époque, il s’agissait de motiver les particuliers échaudés par « le Krach de 1987 » malgré un historique finalement plutôt positif (à une époque où l’inflation était certes bien supérieure). Pari a priori perdu de ce côté étant donné qu’il n’a pas depuis permis d’arrêter l’érosion du nombre d’actionnaires en France.

pea, pea-pme

Pour se remettre dans le contexte :  tout en promouvant l’investissement à moyen-terme, le choix de la démocratisation avait été privilégié (pas de versement minimum, montant du livret plafonné) plutôt que la constitution d’un cadre favorable à l’accompagnement et au renforcement d’une classe d’investisseurs et d’épargnants « fortunés ».

De fait :

  • Les participations supérieures à 25% dans une société ont été exclues ; écartant de ce fait la majorité des entrepreneurs
  • A l’époque, les plus-values n’étaient pas imposées au premier euro, la majorité des « boursicoteurs » était par nature déjà exclue de l’imposition
  • L’exonération de l’impôt sur les plus-values (hors prélèvement sociaux) prenait cependant du sens du fait de la quasi-absence de prélèvements sociaux (la CSG récemment créée en 1991 au taux de 1,1% ne couvrait alors que les revenus du travail ou de remplacement). Depuis, la CSG a été intégrée dans l’assiette, et se sont rajoutés à la liste : la CRDS, le Prélèvement social, la Contribution additionnelle RSA, la Contribution de solidarité pour l’autonomie, et le Prélèvement de solidarité pour un total incompressible de 17,2%…

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Etant donné l’évolution de cette grille, les abattements existants par ailleurs sur les plus-values d’action selon la durée de détention, l’introduction de la « flat-tax » à 30%, l’intérêt fiscal reste désormais très relatif. D’autres restrictions compliquent l’approche :

  • Ciblant les entreprises communautaires, le PEA exclut de nombreux produits (par exemple les obligations)
  • L’existence d’un cap de montant investi (150k€) et la limitation à un plan pour 2 membres majeurs du foyer fiscal réduisent fortement la portée des investisseurs disposant des plus gros moyens. Le seuil est ainsi trop élevé pour la majorité, et trop bas pour les investisseurs actifs (d’ailleurs l’introduction du PEA-PME pour cibler spécifiquement les ETI via un deuxième plan spécifique ne semble pas avoir rencontré un franc succès)
  • La prise en compte de la date d’ouverture du PEA et non de la durée de détention de chaque actif…
  • Face à l’impossibilité compréhensible de « sortir » avant une période déterminée (sous réserve de pénalités et de clôture forcée du plan)
  • L’obligation de clôturer son plan en cas de départ à l’étranger n’a pris fin que récemment et est toujours en vigueur pour certaines destinations

 

L’exemple des SIPP au Royaume-Uni

Tout semble avoir été fait pour tenter de constituer une sorte de « havre » au sein d’une fiscalité lourde. Orienté certes vers l’entreprise (les SCI en sont exclues), sa portée a été considérablement limitée (seuil maximum, entrepreneuriat exclu de fait). Il avait même été envisagé un temps, de limiter l’exonération au-delà d’un seuil de 200% de plus-value !

Alors que les retraites constituent de très loin le premier poste budgétaire de l’état (article : fracture facture sociale) et que le financement des PME est au centre du débat économique, l’exemple des SIPP (Self Invested Personal Pension) au Royaume-Uni semble à méditer.

Ces plans, qui correspondent certes à un contexte différent de celui de la France, permettent une grande flexibilité au niveau des allocations, couvrant une multitude de produits pouvant être investis en franchise d’impôt (avec également des possibilités d’abondement public sous condition) : soit en direct soit via un gestionnaire. Créés en 1989, ils rassemblent 1 million de souscripteurs pour des encours moyen allant de 150k à 400k£ selon le type de contrat, et un encours global de 175 milliards de livres en 2016 géré via les SIPP.

Alors que les solutions de type assurance-vie en France restent très (trop) peu investies dans les entreprises et les PME, l’existence de ce type de véhicule n’est sans doute pas étrangère au fort succès du crowdlending au Royaume-Uni, qui dépasse de loin la taille du marché Européen.

 

PEA, PEA-PME : une modernisation nécessaire

Sans refaire le débat sur la fiscalité et l’investissement en France, les différentes options en place (assurance-vie, PEA, Perco pour l’épargne salariale) se font quelque-part concurrence avec leurs spécificités propres pour le partage du « gâteau » des épargnants. Les Français conservent pourtant un record de 400 milliards d’euros sur leur compte courant (en hausse de +50% sur 5 ans) et 500 milliards sur les livrets réglementés type livret A.

Si l’on exclut la question de frais supportés par l’épargne (dont la clarification a été mise avant par les directives MiFID 1 puis 2), il persiste un déficit en matière d’ergonomie à l’heure du numérique.

La loi Pacte envisage ainsi d’intégrer les obligations issues du « crowdlending » au sein du PEA-PME nouvellement créé. Cela va certes dans le bon sens pour un produit destiné au financement des PME et de l’économie réelle, exempt de frais pour l’épargnant, et peu favorisé sur le plan fiscal. Dans la réalité, quiconque s’est heurté aux formalités administratives et aux coûts non négligeables pour loger un actif non coté dans son PEA mesurera les difficultés de cette démarche en l’état actuel.

Face à la complexité des schémas d’allocation et des différentes fiscalités, le financement participatif « digital native » peut fournir un exemple pour un fonctionnement plus harmonieux, où la digitalisation permet d’investir à partir de 50€ sans frais pour l’investisseur. L’introduction récente de la blockchain en tant que moyen d’inscription et de transfert de titres non cotés devrait sans doute permettre d’accélérer ce mouvement…

Publication originale le 14 février 2019, mise à jour le 8 janvier 2020

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